*Clingl !*
Je n’en revenais tout simplement pas. Le gars de la réception m’avait carrément jeté les clés dessus... Il avait nonchalamment tendu sa main libre vers le tableau situé derrière-lui (son autre main tenait un cigarillos noirâtre), s’était emparé d’un des nombreux jeux de clés encore suspendu puis l’avait balancé dans ma direction, le regard toujours rivé sur le journal qu’il était occupé à lire. Le trousseau avaient alors heurté mon pardessus avant de retomber avec bruits sur un vieux comptoir en bois presque aussi sale que celui qui y était accoudé.
- « Mon argent sent moins bon que celui des autres ? » ai-je alors demandé au réceptionniste du Glen Hôtel, sans me démonter.
- « … Chambre 14, premier étage, à gauche… » fut pourtant la seule réponse que je réussis à obtenir de lui.
J’abandonnais.
La « chambre » était en réalité un véritable bouge. Papier peint douteux et décollé à de nombreux endroits, lit sans âge, sol crasseux, vitres ébréchées… L’ensemble présentait autant d’attrait qu’un squat new-yorkais abandonné durant les années 70.
Une fois ma valise posée sur le lit, je me suis dirigé vers le mini bar - heureusement garni avec goût – puis vers la fenêtre, une flasque de whisky à la main.
Malgré l’heure déjà avancée, le jour semblait ne pas s’être totalement levé. Ainsi, les énormes nuages sombres qui avaient envahis le ciel de Seattle semblaient décidés à ne le quitter qu’une fois la pluie dont ils étaient chargés entièrement déversée sur la ville.
Au sol, de petit bassin commençait à se former ça et là, recueillant l’eau qui ruisselait des larges trottoirs. Sur la surface luisante de ceux-ci, je pouvais apercevoir le reflet du néon rose placardé sur la façade du bâtiment situé de l’autre côté de la 3ème Avenue. L’inscription (« Deja Vu Showgirls ») clignotait frénétiquement de temps à autre, mais ses efforts n’attiraient visiblement pas grand monde. La plupart des passants semblaient plutôt préoccupés par l’eau qui tombait avec une intensité redoublée, trempant tout ce qui passait à sa portée.
* Chacun son tour… *, pensais-je en observant un jeune employé de bureau se servir de son attaché-case comme d’un parapluie pour traverser l’Avenue.
Je n’avais rendez-vous au commissariat de Police de Seattle que tard dans l’après-midi. Sur le moment, il m’avait néanmoins semblé judicieux d’arriver à Seattle plus tôt dans la journée afin de profiter de ces quelques heures de libre pour visiter ce qui allait peut-être devenir ma nouvelle ville d’adoption.
Plusieurs heures plus tard et une fois directement plongé dans la situation, je commençais à me dire que ce choix n’était peut-être pas si judicieux que cela…
Péniblement, j’ai alors décollé mon front de la vitre fraîche et humide, y laissant au passage une marque de buée ovale, avant de m’allonger sur le lit et de fermer les yeux. Là, bercé par le cliquetis des gouttes de pluie venant frapper le carreau avec une régularité de métronome, je m’endormis.